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__________ROOM 304.

30 décembre 2007

A TRAVERS LE MUR, DANS LA CHAMBRE 304.

«                                                Je traversai le hall rempli à craquer de gens qui ne laissaient pas échapper un mot du discours de Noboru Wataya, et me dirigeai droit vers le couloir menant aux chambres des invités. L'homme sans visage était là. Quand je m'approchai de lui, il me regarda avec sa tête sans visage. Et se dressa devant moi, sans bruit, pour me barrer le passage.

    - Ce n'est pas la bonne heure, dit-il. Vous n'avez pas à être ici.

Mais le désarroi profond causé par Wataya Noboru me fit sortir de mes gonds. Mon bras se détentit d'un coup pour repousser l'homme qui vacilla comme une ombre et s'écarta pour me laisser passer.

   - Je le dis pour vous, lança l'homme sans visage derrière moi. (Chacun de ses mots me piquait le dos d'autant d'éclats de verre.) Si vous allez plus loin, vous ne pourrez plus revenir en arrière. Cela vous est égal ?

Mais je continuais d'avancer à pas rapides sans attacher d'importance à ses propos. Il fallait que je sache. Je ne pouvais pas me sentir perdu indéfiniment.
Je marchais dans un couloir qui ne m'était pas tout à fait inconnu. Je pensais que l'homme sans visage se lancerait à ma poursuite, mais quand je me retournais au bout de quelques mètres, je ne vis personne. Le couloir sinueux était bordé d'une succession de portes identiques. Chaque chambre portait un numéro, mais quel était celui de la pièce où j'avais été conduit la dernière fois ? Je croyais pourtant l'avoir mémorisé, mais il m'était complétement sorti de la tête. Je n'allais tout de même ouvrir chacune des portes. Impossible!
J'errai dans ce couloir jusqu'à ce que, enfin, je croise un valet de chambre portant un plateau chargé d'une bouteille de Cutty Sark, un seau à glace et deux verres. Je le laissai passer, puis le suivis discrètement. Son plateau astiqué et brillant renvoyait les lumières du plafond avec des éclairs. Il ne se retourna pas une seule fois. Le menton pointé en avant, il avançait à pas réguliers, droit devant lui, vers je ne sais où. Je reconnus le prélude de La Pie voleuse, avec l'attaque des percusions. Il sifflait plutôt bien.
Je le suivis dans ce long couloir, où nous ne croisâmes pas âme qui vive. Finalement, l'homme s'arrêta devant une chambre, donna trois petits coups fermes sur la porte. Quelques secondes plus tard, quelqu'un vint lui ouvrir. Il entra dans la pièce. Je me plaquait contre le mur pour me dissimuler derrière un gros vase chinois qui se trouvait là, et j'attendis de voir ressortir le valet. C'était la chambre [304]. La [304], bien sûr! Comment avais-je pu l'oublier?
  »

H.Murakami; Chroniques de l'Oiseau à ressort.

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